1952-1955 : Lotus Mk VI

Description

La Lotus Mark VI (ou Mk VI) est une des plus importantes voitures de l’histoire de Lotus.

En effet, c’est avec cette voiture que Lotus est passé de l’artisanat, en fabricant des Austin Seven modifiées à l’unité, à l’ère semi-industrielle, puisqu’on estime qu’environ 110 exemplaires en furent produits. Il y avait peu de registres de production à cette époque, et pratiquement toute la fabrication a été vendue en kit et en collections de pièces détachées, ce qui rend difficile l’estimation du nombre exact de voitures finalement assemblées ! 

Colin Chapman et les deux frères Allen réalisent en 1951 qu’il y a un véritable potentiel commercial à vendre des pièces spéciales à des clients désireux d’augmenter les performances de la voiture avec laquelle ils courent en 750 Formula, toutes à base d’Austin Seven. Leur propre Lotus Mk III sert de vitrine technologique et les pièces se vendent bien. Pour 1952, ils décident ensemble d’aller bien plus loin, profitant de l’apparition d’un nouveau championnat sur circuit appelé 1172 Formula, qui autorise des châssis spécifiques. Colin Chapman, qui a vraiment apprécié son expérience sur circuit avec la Lotus Mk III et pense que la possibilité de concevoir son propre châssis est une véritable opportunité, se lance dans la conception de son propre châssis, qui doit être bien plus performant que celui de la concurrence. Il a par ailleurs l’intention non seulement de vendre des pièces spéciales « performance » pour ce championnat, mais également des châssis et aller jusqu’à vendre des voitures complètes qui seraient fournies au client en kit sans moteur, ce qui permet d’éviter en Grande-Bretagne la Sales Tax particulièrement lourde.

C’est donc à ces fins qu’il fonde en 1952 la société Lotus Engineering avec les frères Allen, et qu’il décide de quitter le petit garage qu’ils occupaient pour investir un plus large hangar situé à Hornsey, dans la banlieue Nord de Londres, plus précisément Tottenham Lane à l’arrière de l’hôtel-pub « Railway Hotel » tenu par son père.

La nouvelle voiture s’appellera Mk VI, car la dénomination Mk V avait été réservée à une évolution de la Lotus Mk III sur châssis Austin Seven modifié pour le championnat MC 750. Devant la nouvelle ambition de Chapman, la Mk V ne sera jamais fabriquée.

Pour la Mk VI qui doit recevoir un châssis spécifique, Colin Chapman est persuadé que la meilleure solution pour obtenir une grande rigidité alliée à un faible poids est d’utiliser une structure multi-tubulaire spatiale. Cette méthode de fabrication est connue en aéronautique et dans la construction de grands hangars, et la manufacture italienne Touring l’appliquait à la rigidification des carrosseries sous l’appellation « superleggera », mais Chapman sera le premier à l’appliquer à l’ensemble de la structure de son véhicule.

Le châssis de la Mk VI est ainsi constitué d’un ensemble de tubes d’acier entrecroisés et soudés, de section carrée sur le fond de la voiture et de section ronde dans sa partie supérieure, sur lesquels sont également soudés les points d’ancrage de tous les éléments complémentaires : moteur, transmission, suspensions, direction, habitacle. La structure est encore plus rigidifiée par la pose de panneaux d’aluminium rivetés solidement aux tubes du châssis pour former l’enveloppe extérieure de celui-ci et le fond de la voiture. Seuls sont rapportés un nez amovible, et un capot moteur sanglé. Il n’y a pas de portes, la voiture étant bien entendu un roadster ouvert à deux places. Colin Chapman n’ayant pas la capacité à fabriquer en nombre ce genre de châssis, il confie la réalisation de la partie tubulaire à la proche société Progress Chassis dont il a aidé à la constitution, et l’habillage des parties de carrosserie en aluminium à la carrosserie Williams & Pritchard, qu’il avait déjà utilisée pour les Lotus Mk III et Lotus Mk IV.

Tout l’ensemble moteur-transmission-suspensions-direction provient de chez Ford, Colin Chapman souhaitant que ses clients puissent trouver ces pièces à bon compte, leur vendant là où c’est nécessaire les pièces modifiées qui vont en augmenter les performances. Ainsi sur la Mk VI, la suspension avant est d’origine Ford mais elle est modifiée pour fonctionner comme un essieu brisé. Le pont arrière Ford est mieux guidé latéralement par une barre Panhard. Bien entendu, Chapman se penche également sur le moteur Ford 1172cc dont il augmente le taux de compression, modifie les arbres à cames, dote de doubles ressorts de soupapes et équipe d’un carburateur plus gros, toutes modifications disponibles pour ses clients moyennant finance.

La Mk VI dispose de points d’ancrage moteur permettant le montage de près de 5 moteurs d’origine différente, selon le type de championnat et la classe dans laquelle veut concourir le client. Une version de la Mk VI existe également pour le championnat Trial. Le premier prototype construit par Chapman et les frères Allen, immatriculé 1611H, sera équipé du moteur Ford 1172cc et va s’avérer extrêmement compétitif aux mains de Colin Chapman, Michael Allen et même de Hazel Williams, la future Mme Chapman.

Les commandes affluent, et la Mk VI va briller sur les circuits et pistes de trials pendant de nombreuses années. On estime qu’environ 110 voitures seront montées entre 1952 et 1955, essentiellement livrées sous forme de kits. Mais cela n’est rien à côté de ce qui va suivre, car Colin Chapman prépare une évolution de la Lotus Mk VI qui va apparaître en 1957 : la Lotus Seven, une voiture qui va s’avérer si exceptionnelle qu’elle est encore produite avec succès de nos jours sous la marque Caterham !

A noter que le premier prototype de Lotus Mk VI, immatriculé 1611H, sera acheté par le journaliste Franco-Suisse Gérard « Jabby » Crombac, ami personnel de Colin Chapman et co-fondateur en France du magazine Sport Auto. Gérard Crombac a notamment été Président d’Honneur du Club Lotus France. Le document commercial reproduit dans cet article (aujourd’hui propriété du Club Lotus France) est celui qui a été remis en main propre à Jabby lors de cette vente : notez la mention manuscrite de Colin Chapman « This is now YOUR car, Jabby ! Happy motoring ! » (C’est maintenant TA voiture, Jabby. Bonne route !). Jabby engagera cette voiture en compétition en France, après l’avoir doté d’une carrosserie plus enveloppante.

1611H est ensuite retournée en Grande-Bretagne, a été remise dans son état d’origine et roule encore régulièrement de nos jours.